Les conditions de négociation d’une levée de fonds ne s’arrêtent certainement pas à un montant investi et une valorisation pré-money. Les clauses associées et demandées par les fonds d’investissements sont tout aussi importantes. L’entrepreneur doit donc veiller à bien analyser l’ensemble des conditions d’investissement d’un fonds et de penser la négociation comme un tout indissociable. Parfois, il vaut même mieux accepter une valorisation plus faible pour mieux négocier les autres clauses. Voici un petit tour d’horizon des principales clauses demandées généralement par les fonds investissant dans les startups pour se protéger des incertitudes de sous-performances et valoriser la sur-performances des dirigeants associés.
Tranches
Dans certaines opérations les fonds peuvent demander à découper l’investissement en plusieurs tranches d’investissement pour réduire le risque. Ces tranches correspondent généralement au financement d’étapes clés à franchir. Les fonds peuvent ainsi libérer leur investissement progressivement en fonction d’atteintes d’objectifs intermédiaires. C’est une visibilité de trésorerie plus faible pour l’entrepreneur, mais qui est directement lié à des objectifs critiques pour le bon développement de la startup. En contre-partie de ce découpage de l’investissement en tranches, l’entrepreneur peut essayer de négocier auprès des investisseurs des conditions de valorisation différenciées et progressives pour ces différentes tranches. Ce mécanismes peut donc etre gagnant-gagnant pour les fonds et les fondateurs.
Décisions soumises au board
Les fonds vont normalement demander à avoir une place au board de l’entreprise (Conseil de Surveillance, Conseil d’Administration, …). L’objectif pour eux est d’avoir une bonne information sur la marche de l’entreprise et de participer aux échanges avec les dirigeants sur la stratégie de la startup. Le board a par ailleurs un rôle de validation sur certaines décisions exceptionnelles soumises par le directoire opérationnel. Le périmètre de ces décisions fait l’objet de négociation entre dirigeants et fonds lors de la levée de fonds. Ces décisions peuvent être variées et portent le plus souvent sur : l’évolution de la stratégie, la validation du budget prévisionnel, la validation de dépenses importantes et non prévues dans le prévisionnel, la cession/acquisition de propriété intellectuelle, la modification de la gouvernance, … Ces clauses permettent de protéger les investisseurs qui ne sont pas opérationnels dans la société. Elles n’ont pas vocation à donner un rôle de gérance aux investisseurs qui ne souhaitent pas s’immiscer dans la gestion de l’entreprise.
Ratchet
La clause de “ratchet” a pour objectif de protéger les fonds d’une possible valorisation ultérieure qui serait inférieure à la valorisation retenue pour le tour de table. Les fonds acceptent une valorisation à l’instant T en considérant que la valorisation de la startup est censée augmenter progressivement en fonction de l’atteinte de jalons de maturité prévus. Ils considèrent par ailleurs qu’ils prennent plus de risque que les fonds suivant, et qu’il est donc légitime que les valorisations suivantes soient normalement supérieure. Il arrive cependant que la startup n’arrive pas à obtenir une valorisation supérieure, notamment quand elle n’a pas validé certains objectifs ou qu’elle a du mal à lever un nouveau tour de table. Dans ce cas, elle peut être amenée à devoir réaliser une levée de fonds basée sur une valorisation inférieure aux précédents tours de table. Dans ce cas, les fonds peuvent appliquer la clause de ratchet pour demander à ce que la valorisation de leur investissement initial soit revue en conséquence pour s’aligner en totalité (“full ratchet”) ou en partie (“average ratchet”) à la nouvelle valorisation.
Anti-dilution
Les fonds demandent généralement une clause d’anti-dilution, leur permettant de souscrire prioritairement à un prochain tour de table et aux même conditions pour s’assurer de maintenir à minima leurs quote-parts au capital de la startup. Cette clause leur assure une garantie de ne pas se faire diluer sans un droit de regard préalable pour une éventuelle participation aux tours suivants. Les fonds ne sont pour autant pas obligés d’exercer ce droit.
Liquidité préférentielle
Les fonds payent une valorisation généralement élevée et décorrélée de la valeur actuelle de la startup. Il en résulte qu’ils n’achètent pas les actions à leurs valeurs nominales mais à une valeur supérieure avec une “prime d’émission”. Ce mécanisme permet notamment de ne pas trop diluer les fondateurs pour qu’ils restent motivés au capital dans le temps. Par contre cela pénalise la valeur liquidative des fonds en cas de cession de la société au profit des fondateurs. En effet, dans le cas d’une répartition proportionnelle de la valeur de revente, les fondateurs toucheraient une part importante par rapport aux investisseurs sans prendre en compte les montants investis en “prime d’émission”. Les fonds demandent donc que la liquidité soient “préférentielle” pour qu’ils puissent préalablement récupérer leurs investissements avant de partager le solde avec les autres actionnaires. En pratique, dans une telle clause tous les actionnaires récupèrent normalement la valeur nominale de leurs actions de façon proportionnelle, puis les investisseurs récupèrent leurs primes d’émissions, puis le solde est partagé proportionnellement entre tous les actionnaires. Fonds et dirigeants peuvent négocier des liquidités préférentielles plus complexes, en garantissant par exemple un multiple minimum aux fonds ou un système de rattrapage pour les dirigeants, … Il est donc important pour les dirigeants de bien comprendre l’impact de cette clause et de ne pas l’oublier dans les négociations.
Préemption prioritaire
Les fonds demandent un droit de préemption prioritaire leur permettant de racheter en priorité des titres qui seraient vendus par certains actionnaires. On structure généralement différents rangs de priorités en fonction de qui vend ses parts. Souvent les fondateurs sont prioritaires sur le rachat de parts d’autres fondateurs ou actionnaires non investisseurs, tandis que les fonds peuvent se positionner en deuxième rang de priorité pour racheter ces titres et en premier rang de priorité pour racheter des titres d’autres fonds. Cette clause permet de maîtriser le risque associé à une évolution de géographie du capital en cas de cession de titres.
Tag along
Cette clause permet aux actionnaires qui le souhaiteraient, et notamment aux fonds, de céder une partie de leurs titres aux mêmes conditions qu’une cession de titre qui pourrait avoir lieu par un fondateur, investisseur ou tout autre actionnaire. Une telle cession se fait sur un nombre de titres et à des conditions précises entre un cédant et un cessionnaire. Les actionnaires qui exercent leur droit de “tag along” viennent généralement en remplacement d’une partie des titres cédés en respectant des conditions de quote-parts entre les participations des cédants .
Drag along
Cette clause a vocation à réduire les risques de blocage par des minoritaires lorsqu’une opportunité de cession totale se présente. Le drag along permet de forcer la vente de l’ensemble des titres des actionnaires en cas d’offre de cession acceptée par une majorité qualifiée d’actionnaires. Cette majorité qualifiée est négociée lors de la levée de fonds en fonction de la géographie du capital et inclut normalement les principaux investisseurs et dirigeants actionnaires.
Partage de super-plus-values
Cette clause, qui n’est pas systématique, encadre un engagement du fonds à partager une part de sa super plus value (plus value au delà d’un certain multiple cible minimum) qu’il obtiendrait en cas de cession de ses titres. Cette clause permet d’ajuster la valorisation à posteriori au profil des fondateurs, en cas de sur-performance. C’est une clause qui est puissante dans la négociation car elle peut permettre aux fondateurs d’accepter plus facilement une contre-partie à une valorisation inférieure à leurs attentes. Il est également assez facile de comprendre que les fonds préfèrent payer une valorisation raisonnable et de rémunérer la sur-performance au delà de leurs objectifs de multiples.
Plan de relution du management
Les fonds aiment bien motiver les fondateurs et le management avec des plans de relution en fonction d’atteintes d’objectifs et/ou de sur-performances. Ces plans de relution se structure le plus souvent avec des plans de BSPCE/BSA exercables à des prix préférentiels et sous conditions d’objectifs. Les fondateurs ont tout intérêt à négocier de tel plan, plutot que de réfléchir uniquement en valorisation pré-money. En effet, cela démontrera aux investisseurs la confiance des fondateurs dans leur capacité à atteindre les objectifs qu’ils leur ont vendus.
Bad leaver
Les fonds investissent avant tout dans une équipe de fondateurs en qui ils apportent leur confiance pour porter le bon développement de la startup. Il arrive malheureusement que certains fondateurs abandonnent leurs fonctions, ou qu’ils soient responsables de fautes graves ou lourdes, pouvant être fortement préjudiciables pour la startup, et donc pour l’investissement des fonds. Ceux-ci demandent donc des clauses de “bad leaver” pour se prémunir de ses risques. Ces clauses définissent des conditions de rachats des titres de fondateurs fautifs à des prix fortement décotés.
Dividendes prioritaires
Certains fonds peuvent demander une clause de versement de dividendes prioritaires. Généralement ces dividendes ne sont applicables qu’au bout de plusieurs années et ont principalement pour objectif d’accélérer la négociation de sortie du fonds d’investissement avec les fondateurs dans le cas de société rentable.